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listes dans sa chute lamentable. Le Pape Léon XIII, qui avait gardé dans l’extrême vieillesse la finesse d’un diplomate et le coup d’œil d’un politique, comprit que la cause de la royauté était à jamais perdue. Il prit soin d’en détacher le clergé français. On raconte qu’un jour il dit, montrant un crucifix : « Voilà le seul cadavre auquel l’Église est attachée ». Il rompit résolument tout lien avec la royauté morte. Il exposa ses vues dans l’encyclique de 1892 :

« Nous croyons opportun, nécessaire même d’élever la voix pour exhorter plus instamment, nous ne disons pas seulement les catholiques, mais tous les Français honnêtes et sensés à repousser loin d’eux tout germe de dissentiments politiques, afin de consacrer uniquement leurs forces à la pacification de leur patrie. Le pouvoir civil, considéré comme tel, est de Dieu et toujours de Dieu !…

« Par conséquent, lorsque les gouvernements qui représentent cet immuable pouvoir civil sont constitués, les accepter n’est pas seulement permis, mais réclamé, disons plus, imposé par la nécessité du bien social… Sa législation diffère à tel point des pouvoirs publics ou de leur forme, que, sous le régime dont la forme est la plus excellente, la législation peut être détestable, tandis qu’à l’opposé, sous le régime dont la forme est la plus imparfaite, peut se rencontrer une excellente législation… Et voilà précisément le terrain sur lequel, tout dissentiment politique mis à part, les gens de bien doivent s’unir, comme un seul homme, pour combattre, par tous