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Ils se faisaient haïr et ne se faisaient pas craindre.

Aux élections de 1885, comme aux précédentes, le clergé appuya ouvertement les candidats monarchistes qui, cette fois, revinrent accrus en nombre et en courage. M. Goblet, esprit honnête, irascible et court, prit les Cultes dans le ministère où M. de Freycinet avait associé les radicaux aux opportunistes. M. Goblet s’efforça de réduire, avec les armes du Concordat, l’Église révoltée. Il supprima des vicariats, et, traité de persécuteur et de scélérat par les évêques, il en déféra deux au conseil d’État, qui prononça contre l’un et l’autre l’appel comme d’abus, ce qui ne leur causa nul déplaisir. Enfin, M. Goblet, radical, fit exactement ce qu’avaient fait les opportunistes. Pouvait-il faire autre chose sous le régime du Concordat et dans l’état présent des mœurs ? Non !

Le gouvernement de la République ne tenait ni l’Église, ni la magistrature, ni l’armée. Les scandales de l’Élysée, durant la vieillesse somnolente du président Grévy, l’avaient éclaboussé. La plus grande force des républiques, le peuple, soutenait mollement un régime qui, satisfait d’avoir donné des libertés publiques, ne se souciait guère d’assurer la justice sociale et se trouvait en réaction sur l’Empire dans les questions ouvrières. Un général très beau, et qui avait gardé sous les plumes blanches la vivacité d’un sous-lieutenant, n’eut qu’à paraître sur son cheval noir pour soulever l’enthousiasme des foules. Le prétendant se compromit honteusement avec Boulanger. Le général entraîna les espérances des roya-