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voilà l’ennemi ! » coup de clairon qui sonnait la charge contre le vide. En désignant le cléricalisme comme l’ennemi, il détournait de l’Église les coups des républicains pour les attirer sur un être de raison, un fantôme d’État. Dès lors la politique ecclésiastique de la troisième République était déterminée[1].

En 1880, Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, soutint devant les Chambres un projet de loi sur l’enseignement supérieur dont le septième article interdisait tout droit d’enseigner aux membres des congrégations non reconnues par l’État. Le Sénat rejeta cet article. La Chambre des députés, qui suivait la politique anticléricale de Gambetta, réclama par un ordre du jour la dispersion de ces congrégations, qui n’avaient point d’existence légale. En conséquence, le Président de la République, c’était M. Grévy, signa des décrets ordonnant la dispersion des religieux visés par la Chambre. Ils refusèrent, pour la plupart, d’obéir, alléguant qu’ils ne le pouvaient pas, que la loi était injuste, et que se soumettre à l’iniquité, c’est s’en rendre complice. Dominicains et Capucins ne cédèrent qu’à la force, ou plutôt aux symboles de la force. Le préfet de police Andrieux vint lui-même en gants gris perle chasser les Jésuites de leur maison de la rue de Sèvres. Le lendemain, ils

  1. « L’anticléricalisme est une manière d’être constante, persévérante et nécessaire aux États ; il doit s’exprimer par une succession indéfinie d’actes et ne constitue pas plus un programme de gouvernement que le fait d’être vertueux, ou honnête, ou intelligent ». Waldeck-Rousseau, lettre à M. Millerand, dans le Temps du 13 octobre 1901.