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mande pas toujours de dévoiler toute leur pensée. C’est que, à la fois humaine et divine, procédant du Ciel et de la terre, si ses fins sont spirituelles, ses moyens sont naturels. C’est tenter Dieu, disent ses théologiens, que d’agir sans prudence. Au sentiment des Pères Jésuites que j’ai déjà plusieurs fois cités, elle doit tenir compte des faits accomplis, avoir égard aux circonstances, souffrir un mal pour en éviter un pire.

M. l’évêque de Séez va nous le dire : Cette autorité reçue de Dieu, « que des circonstances particulières (je cite littéralement) lui permettent, l’obligent même à en céder quelques parcelles pour le plus grand bien, elle le fera volontiers. Puissance suprême dans les questions religieuses et dans celles qui, par leur nature, participent à la fois de l’ordre moral et matériel, elle traite de gré à gré avec les pouvoirs établis ».

Mais avant de rechercher quelle foi elle est tenue de garder aux traités, il faut considérer la nature de ces traités et savoir s’ils sont vraiment conclus de puissance à puissance ou s’ils ne sont pas plutôt les concessions sans cesse révocables qu’une souveraine absolue fait à son peuple. Étant universelle, l’Église ne saurait avoir proprement des relations extérieures. Ses affaires avec les États se réduisent à des affaires provinciales.

Certes, elle traite de gré à gré avec les pouvoirs établis. Mais elle est débile et nue, elle est pauvre. Elle supporte avec douceur les plus cruelles épreuves.