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Palais-Bourbon, j’entendis par grand hasard un député de la droite qui dénonçait à la tribune un scandale public. Ayant vu dans un champ de foire, sur une baraque, un écriteau portant ces mots : les Horreurs de l’Inquisition, il venait demander au ministre de réprimer sévèrement un si flagrant outrage à la foi catholique. Le ministre répondit qu’en inscrivant sur sa baraque ces mots : les Horreurs de l’Inquisition, le forain avait usé d’une liberté garantie par les lois et qu’un autre forain était également libre d’écrire sur une autre baraque : les Bienfaits de l’Inquisition. Ce ministre était Waldeck-Rousseau. Il avait répondu d’un air grave, insolent et glacial. L’assemblée éclata de rire. Si le Nonce avait assisté à la séance, il n’aurait peut-être trouvé risible ni la question ni la réponse.

Le Pape est souverain ; les rois, les empereurs sont ses vicaires. Le Pape, selon l’expression d’Innocent, est à l’empereur ce que le soleil est à la lune.

Ce que l’Église pensait il y a dix siècles, elle le pense encore. Parlant comme son antique prédécesseur, saint Léon le Grand, Pie IX a dit dans l’encyclique Quanta Cura : « La puissance a été donnée aux Empires non seulement pour le gouvernement du monde, mais surtout pour porter aide à l’Église. Il faut admirer la constance des papes à combattre les gouvernements qui ne se mettent pas tout entiers dans leur obéissance et réservent aux peuples quelque liberté. Innocent III condamna la grande charte d’Angleterre. Innocent X refusa