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occuper une place dans le gouvernement de tous les peuples.

Monsieur l’évêque de Séez, dans une lettre pastorale du mois d’août 1904, a excellemment défini une condition si haute et si singulière :

« L’Église a des droits imprescriptibles sur l’homme aussi bien que sur la société. Elle les tient de Dieu et personne ne peut les lui enlever… Elle est l’autorité de Dieu sur la terre et cette autorité doit s’exercer sur les âmes qui relèvent de son domaine, sur les corps dans toutes les questions qui se rapportent à la conscience, sur toutes les questions sociales qui touchent au domaine de l’esprit. »

À tout devoir correspond un droit. Possédant seule la vérité, elle assume la charge de la répandre et de combattre l’erreur contraire. C’est une tâche qu’elle ne saurait accomplir sans y employer les princes temporels, et, pour parler son langage, sans faire appel au bras séculier.

Il ne faut pas dire de l’Église qu’autrefois elle faisait exécuter ses sentences par la justice laïque et qu’elle y a renoncé. Elle ne renonce jamais. Il ne faut pas dire qu’elle a changé. Elle ne change jamais. Tout se meut ; elle demeure immobile, et quand on s’en étonne, elle répond qu’elle est un miracle. Aujourd’hui, comme autrefois, elle s’attribue une puissance temporelle directe et indirecte, ce qu’elle appelle proprement le pouvoir pénal politique et corporel. Il est intéressant de connaître, par quelques textes récents, sa doctrine sur ce point. En 1864,