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romaine, ce qui la constitue, c’est son unité. Et cette unité nécessaire c’est le pouvoir civil qui la lui assure dans les nations catholiques ; c’est l’État concordataire qui la garantit contre le schisme.

Il prend soin d’indiquer entre les évêques, entre les curés, quel est le romain, et veille à chasser les intrus. Il s’applique à faire connaître que le pasteur des âmes qui l’outrage du haut de la chaire sacrée est le véritable pasteur ; c’est trop de sollicitude. Après la séparation, il ne s’emploiera plus à faire le discernement des évêques orthodoxes et des évêques hétérodoxes, et les fidèles se partageront entre les uns et les autres. Le pouvoir spirituel du Pape est illimité. Mais tout pouvoir spirituel, pour s’exercer pleinement, a besoin du pouvoir temporel ; c’est précisément l’opinion de l’Église. La liberté produit naturellement la diversité. Sous le régime futur, les églises dissidentes ne seront point étouffées en naissant. On verra s’épanouir une multitude de sectes rivales. L’unité d’obédience sera brisée.

Quand l’Empereur Julien retira aux chrétiens la faveur impériale, il ne les persécuta pas. Il fit cesser l’exil des évêques ariens, et aussitôt l’Église du Christ fut déchirée.

En 1874, Ernest Renan a dit, avec une profonde connaissance des choses religieuses :

« La liberté, j’entends la vraie liberté, celle qui ne s’occupe pas plus de protéger que de persécuter, sera la destruction de l’unité religieuse en ce qu’elle a de dangereux. L’unité catholique… ne repose que sur la