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excommunier à Rome et bénir à Turin. Voici comment, à son tour, M. Goblet explique cette formule :

« L’Église libre dans l’État libre, cela signifie le libre exercice des religions, l’État ne connaissant plus les églises, et les églises n’ayant plus affaire à l’État, les ministres des différents Cultes étant soumis aux mêmes lois que les autres citoyens ». Mais l’évêque Dubillard dit que c’est une utopie et Ranc dit que c’est une bêtise. Ç’avait déjà été l’avis du comte Henri d’Arnim. Selon lui, Chiesa libera in Stato libero, c’était Chiesa armata in Stato disarmato. Faguet, qui est toujours intelligent et quelquefois terrible, a dit à ce sujet un mot très fort : « Une Église libre, c’est un parti ». Sans doute, c’est un parti, et c’est aussi une administration. C’est un parti organisé, un État dans l’État, une puissance.

On réclame pour l’Église le droit commun. Rien de plus juste, mais, par malheur, le droit commun, applicable à qui ne fait rien et n’est rien, cesse dès qu’on est ou qu’on fait quelque chose. Car on se trouve alors dans une condition déterminée. Et il y a un droit spécial à chaque condition. Je ne suis pas le premier à m’en aviser. Il y a des lois spéciales pour les médecins, pour les pharmaciens, il y a des lois spéciales pour les serruriers. Un évêque n’est pas moins considérable au regard des lois qu’un serrurier. Nous sommes tous et à tout moment en dehors du droit commun. Et l’Église elle-même, est-elle si désireuse de s’y ranger ? Elle le revendique lorsqu’elle y a avantage. Elle le repousse dès qu’il la