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bouddhiste, fétichiste, guèbre ? Il administre trois cultes. Pourquoi n’administre-t-il pas tous les cultes ?

Si vous le lui demandez, il vous répondra sans trouble qu’il a dans son bureau des cartons verts et des layettes pour les évêques, les pasteurs évangéliques et les rabbins, et qu’il n’a ni layettes, ni cartons pour les lamas, les muezzins et les bonzes ; que trois religions seulement constituent de la matière administrative, que toutes les autres n’en constituent pas, qu’il y a trois religions de bureau, qu’il y en aura toujours trois et qu’il n’y en aura jamais que trois, car les attributs des bureaux sont l’immobilité et la durée.

Bonaparte l’a voulu. En vertu de la loi du 18 germinal an X, concernant les cultes catholique et protestant, et en vertu des décrets des 17 mars et 21 décembre 1808, relatifs au culte israélite, le ministre des Cultes, comme le père de la belle parabole juive, a trois anneaux. Il ne nous dit pas quel est le bon, en quoi il est sage. Mais, s’il en a plus d’un, pourquoi n’en a-t-il que trois ? Notre père céleste a donné à ses fils plus de trois anneaux sans qu’ils puissent discerner le véritable. Monsieur le Ministre des Cultes, pourquoi n’avez-vous pas tous les anneaux de notre père céleste ? Vous accordez un traitement à certains cultes et vous n’accordez pas de traitement à certains autres. Pourquoi ? Vous ne prétendez pas vous faire juge de la vérité religieuse. Vous n’entendez pas désigner les trois religions qui la possèdent, puisque l’une des trois