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tant du cerveau qu’elle cherchait partout un mur, un mur de fer pour se fendre le crâne et être ainsi soulagée. Oh ! vite ! se faire une fente bien large pour tirer toute l’eau qui bouillait là. Une voix inconnue disait : « De la glace ! encore de la glace ! » Mais elle ne voyait pas de glace, perdue comme elle était sur une grève de sable brûlant, au bord d’une mer de plomb fondu. Elle criait : « René ! René ! emmenez-moi dans les bois de Meudon ! Avez-vous oublié le temps où vous me faisiez des bouquets d’aubépine ? » Puis elle tombait assoupie, et, à son réveil, devenue une enfant, elle récitait, d’une voix monotone de pensionnaire, des lambeaux de fables et de catéchisme. Elle murmurait : « Je ne peux pas apprendre mes leçons. Madame, j’ai mal à la tête. Menez-moi à la maison. Je veux revoir papa. »

Un jour, elle se retrouva dans son lit, bien faible, ayant très faim. Elle apprit, de la religieuse qui la gardait, qu’elle avait fait une grave maladie de trois semaines et qu’elle était sauvée. Après un grand effort pour rassembler ses souvenirs, elle demanda :

— Et mon mari ?