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théâtre. Il y avait dans son âme une haute et large place pour une créature idéale, et à cette place, il avait mis Hélène. Elle, de son côté, bien lasse, bien faible, abaissée à ses propres yeux par un mariage sans amour, mais réservée par bon ton et décente par goût, retenait devant lui ce qu’il y avait de trop voluptueux et de trop abandonné en elle. D’ailleurs, exempte encore de toute faute, il lui eût semblé monstrueusement impossible d’en commettre une.

Elle lui parla de la maladie de son mari. René hocha la tête : il ne savait que dire. Mais il était probable que M. Haviland se médicamentait mal. L’aide-major ne diagnostiquait pas, d’après les symptômes qu’on lui décrivait, une affection caractérisée, suivant sa marche naturelle. Il pressentait l’action intermittente d’un agent nuisible, d’un toxique. La dilatation de la pupille était vraisemblablement due, selon lui, à un emploi inconsidéré de la belladone ou de l’atropine. M. Haviland avait dû recourir, pour combattre ses rhumatismes, au sulfate chlorhydrate d’atropine ; maintenant, selon toute apparence, il abusait de ce médicament de la façon la plus désastreuse. Sur