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Hélène était d’un sensualisme précoce. Elle aimait d’instinct le luxe et raffinait comme elle pouvait sur l’ordinaire de la maison. Son penchant pour les délicatesses de la table et du vêtement faisait la joie de M. Fellaire, qui était un connaisseur.

Elle avait sept ans quand il la mit en pension à Auteuil, chez les Dames du Calvaire. Les robes blanches, le visage blanc des Mères, la paix de la maison, la sécurité d’une vie régulière, lui firent du bien.

Un jour, on lui dit que sa maman, qui était partie en voyage, ne reviendrait plus, plus jamais. Ce « plus jamais » lui fit une grande peur ; elle étouffa de sanglots. On lui mit un sarrau noir et on la lâcha dans le jardin. Ce jardin était pour elle une contrée mystérieuse, immense, pleine de choses vivantes, un monde enchanté, une terre de miracles. Son père venait la voir toutes les semaines et lui apportait des gâteaux. Il était admirable d’amour et d’orgueil paternels.

Lassé de tous les trottoirs battus pour rien, de tous les escaliers montés avec angoisse, de toutes les portes fermées au nez, de tous les courriers