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son tabac. Sainte-Lucie put alors essayer des académies. Quand Potrel se levait de son tabouret pour se dégourdir les jambes, il donnait à Remi quelques indications brèves et nettes et se remettait à son morceau.

Un matin pourtant, il se grattait la barbe et se rongeait les ongles. Remi lui demanda pourquoi il ne faisait rien. Potrel étendit la main dans la direction du châssis vitré et dit :

— Ce sacré bibelot m’empêche de peindre.

Le bibelot n’était autre chose que le soleil, qui répandait sur l’atelier une lumière aveuglante.

Potrel mangeait beaucoup. Il allait dans les cabarets des cochers. Quand Remi lui parlait du Chat Maigre, Potrel se contentait de sourire. Un jour pourtant il demanda si Virginie avait toujours de belles formes. Après beaucoup de tentatives vaines, Remi put l’entraîner un soir dans l’établissement de la rue Saint-Jacques. Virginie, rouge comme une pivoine, servit à l’ingrat une large tranche de jambon.

— Mangez, M. Potrel, lui disait-elle. C’est bon, c’est fin. Voyez, le gras en est tout blanc. Vous ne buvez pas ? Goûtez cette bière ; je l’ai mise en