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mains derrière le dos comme le Napoléon des estampes, passait entre les rangs et disait :

« Soldats, je suis content de vous ! »

Puis des tableaux plus sombres se déroulèrent dans son imagination. Il revit les événements qui avaient précipité sa chute. Quand, en décembre 1851, développant avec la toute-puissance d’un empereur son génie d’enfant peureux et cruel, Soulouque eut l’idée de faire la guerre à la république dominicaine, le général Télémaque fit partie, à la tête de sa brigade, du corps expéditionnaire commandé par le général Voltaire Castor, comte de l’Île-à-Vache. L’empereur avait dit dans sa proclamation à l’armée : « Officiers, sous-officiers, soldats ! Les hommes de l’Est, les bouviers de Santo-Domingo fuiront devant vous. Allez. » Plein de confiance dans la parole de son empereur, le général Télémaque, coiffé de son chapeau à glands, portant sur sa poitrine la plaque de l’ordre impérial et militaire de Saint-Faustin et le grand cordon de la Légion d’honneur haïtienne, galonné, chamarré, les pieds nus, marchait fièrement à la tête des régiments noirs qui formaient l’avant-garde, quand tout à coup une vigoureuse