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geance. C’était une vengeance d’écolier et de sauvage dont il se léchait d’avance les lèvres. Il la laissa dormir dans son cœur gourmand et paresseux comme un pot de confitures dans l’armoire d’une bonne ménagère.

Le poète Dion parla de nouveau de fonder une revue. La tentative de l’an dernier avait échoué, parce que les trois cents francs de la grand-mère s’étaient trouvés employés en dépenses domestiques. Mais Dion venait de recevoir trois cents autres francs.

— Il faut trouver un titre, disait-il.

On se sépara au bout de deux heures, après avoir imaginé un très grand nombre de vocables insensés ou connus.

Le lendemain, le poète Dion salua l’assemblée du Chat-Maigre par ce cri antique :

— J’ai trouvé : L’Idée !… l’Idée, revue nouvelle.

Et, pressant entre ses doigts une feuille imaginaire, la tête de côté, ses cheveux apolloniens rejetés en arrière, le visage éclairé d’un sourire, il lisait intérieurement en grosses capitales : L’Idée, revue nouvelle, Paul Dion, directeur.

— Quelle idée ? demanda le sceptique Labanne, en caressant sa barbe jaune.