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a formé mon esprit. » Ah ! ils me connaîtront un jour, ces messieurs !

Pendant ce discours, le jeune Remi, très tranquille, tirait subrepticement du sucrier des morceaux de sucre qu’il fourrait dans ses poches.

Monsieur Alidor était naturellement enclin à goûter l’éloquence ; une semblable préparation au baccalauréat lui semblait belle, mais périlleuse. Fort entêté par caractère, il ne démordit pas de son idée de confier son fils au créole de Bourbon.

— Remi, dit-il, en tirant nonchalamment un louis de sa poche, va chercher des cigares en bas, et dis que c’est pour moi.

Resté seul avec son hôte, il émietta encore son pain et resta silencieux. Il avait une façon spéciale dese taire qui était mystérieuse et imposante. Puis, de sa voix douce d’homme fort, il représenta au futur précepteur qu’il s’agissait d’une préparation au baccalauréat, c’est-à-dire d’une entreprise essentiellement pratique, que les programmes devaient être suivis à la lettre, et qu’en sommeil était question de grec et de latin bien plus que de vérités primordiales.