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et celui de la marine ; mais, voyant croître dans l’ombre une opposition énergique, il prit un congé et alla faire une promenade en France.

De Paris, il s’associa par de chaleureuses lettres à la révolution qui mit fin aux gaietés sanglantes de l’empire noir, et revint à Haïti pour se faire nommer membre de la Chambre des députés. Son premier acte dans l’assemblée fut de déposer un projet « tendant » à l’érection d’un monument expiatoire consacré aux mânes des victimes de la tyrannie. Il y avait quelques-unes de ces victimes auxquelles l’ancien procureur impérial devait bien un tombeau.

Le projet fut pris en considération, la proposition votée et le citoyen Alidor Sainte-Lucie nommé président de la commission chargée de faire exécuter cette œuvre nationale. Monsieur Alidor comprit tout le parti qu’il pouvait tirer de cette présidence. Pour peu qu’on fusillât dans l’île, il prenait son passeport et s’en allait demander aux artistes de Paris quelques projets de monument expiatoire. Il adorait Paris, à cause des petits théâtres et des cafés politiques. Après vingt ans, la commission artistique fonctionnait encore.