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— Une femme ne sait pas bien élever toute seule un garçon... André aura un père.

— Maman !

Cet appel, sorti du petit lit, la fit tressaillir.

—Que me veux-tu, André ? Tu es bien agité ce soir !

— Maman, je pensais à une chose.

— Au lieu de dormir... À laquelle ?

— Papa est mort, n’est-ce pas ?

— Oui, mon pauvre enfant.

— Alors il ne reviendra plus ?

— Hélas ! non, mon chéri.

— Eh bien, maman, c’est bien heureux que papa soit mort. Parce que je t’aime tant, vois-tu, maman ? tant, que je t’aime pour tous les deux. Et, s’il revenait, je ne pourrais plus l’aimer du tout.

Elle le considéra quelque temps avec inquiétude et retomba dans le fauteuil, où elle resta immobile, la tête dans les mains.

Il y avait déjà plus de deux heures que l’enfant dormait aux bruits de la tempête quand, s’étant approchée de lui, elle soupira tout bas :

— Dors ! il ne reviendra pas. Dors ! il ne reviendra pas.

Il ne reviendra pas. M. Lassalle n’a plus d’espoir. Sa demande a été repoussée. Le soir, dans sa chambre décorée de paysages et de natures mortes, les pieds