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compter sur moi. Je t’épouserai quand j’aurai une position.

Elle le regarda avec une surprise dédaigneuse. Il crut qu’elle avait des doutes sur son avenir dramatique, et, pour les dissiper, il dit, dressé sur ses longues jambes :

— Tu ne crois pas à mon étoile, Félicie ? Tu as tort. Je me sens capable de grandes créations. Qu’on me donne un rôle, et on verra. Et je n’ai pas seulement la comédie en moi, j’ai le drame, j’ai la tragédie… Oui, la tragédie. Je sais dire les vers. Et c’est un talent qui se fait rare aujourd’hui… Aussi ne crois pas, Félicie, que je te fasse un affront en t’offrant de t’épouser. Loin de là !… Nous nous marierons plus tard, quand ce sera possible et convenable. Rien ne presse, bien sûr. En attendant, nous reprendrons nos bonnes habitudes de la rue des Martyrs… Tu te souviens, Félicie : nous y avons été si heureux ! Le lit n’était pas large, mais nous disions : « Ça ne fait rien… » J’ai maintenant