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— Assurément, répondit le docteur, ce sont des idées bêtes. Mais elles nous sont très convenables, puisque nous sommes des bêtes. On l’oublie toujours. Ce sont des idées bêtes, augustes et salutaires. Les hommes ont senti que, sans ces idées, ils deviendraient tous fous. Ils n’avaient que le choix de la bêtise ou de la fureur. Ils ont raisonnablement choisi la bêtise. Tel est le fondement des idées morales.

— Quel paradoxe ! s’écria Romilly.

Le docteur poursuivit avec sérénité :

— La distinction du bien et du mal dans les sociétés humaines n’est jamais sortie de l’empirisme le plus grossier. Elle a été constituée dans un esprit tout pratique et par simple commodité. Nous ne nous en préoccupons pas pour un cristal ou pour un arbre. Nous pratiquons l’indifférence morale à l’endroit des animaux. Nous la pratiquons à l’endroit des sauvages. Cela nous permet de les exterminer sans remords. C’est ce