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doux. Mais elle l’a deviné. La petite Catherine est une grande sœur, une grande sœur est une petite mère ; elle prévient, elle devine ; elle a l’instinct sacré.

« Oui, chéri, s’écrie Catherine, je vais te faire une belle couronne et tu seras pareil à un petit roi. »

Et la voilà qui tresse les fleurs bleues, les fleurs jaunes et les fleurs rouges pour en faire un chapeau. Elle pose ce chapeau de fleurs sur la tête du petit Jean, qui en rougit de joie. Elle l’embrasse, elle le soulève de terre et le pose tout fleuri sur une grosse pierre. Puis elle l’admire parce qu’il est beau et parce qu’il est beau par elle.



Et debout sur son socle agreste, le petit Jean comprend qu’il est beau et cette idée le pénètre d’un respect profond de lui-même. Il comprend qu’il est sacré. Droit, immobile, les yeux tout ronds, les lèvres serrées, les bras pendants, les mains ouvertes et les doigts écartés comme les rayons d’une roue, il goûte une joie pieuse à se sentir devenu une idole. Le ciel est sur sa tête, les bois et les champs sont à ses pieds. Il est au milieu du monde. Il est seul grand, il est seul beau.

Mais tout à coup Catherine éclate de rire.

Elle s’écrie :

« Oh ! que tu es drôle, mon petit Jean ! que tu es drôle ! »

Elle se jette sur lui, elle l’embrasse, le secoue ; la lourde couronne lui glisse sur le nez. Et elle répète :