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Madame Cornouiller, qui, prévenue contre lui, l’avait tout de suite soupçonné d’être un fainéant, un ivrogne et un voleur, réfléchit que puisque ma mère l’employait, elle qui n’était pas riche, c’était qu’il se contentait de peu, et elle se demanda si elle n’aurait pas avantage à le faire travailler préférablement à son jardinier qui avait meilleur renom, mais aussi plus d’exigences. On entrait dans la saison de tailler les ifs. Elle pensa que si madame Éloi Bergeret, qui était pauvre, ne donnait pas grand’chose à Putois, elle-même, qui était riche, lui donnerait moins encore, puisque c’est l’usage que les riches payent moins cher que les pauvres. Et elle voyait déjà ses ifs taillés en murailles, en boules et en pyramides, sans qu’elle y fît grande dépense. « J’aurai l’œil, se dit-elle, à ce que Putois ne flâne point et ne me vole point. Je ne risque rien et ce sera tout profit. Ces vagabonds travaillent quelquefois avec plus d’adresse que les ouvriers honnêtes. » Elle