Page:Anatole France - Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables.djvu/332

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais que je lui donnerais volontiers un conte.

— J’aimerais bien, me dit-il, que cela s’appelât : Conte pour les riches.

— J’aimerais mieux : Conte pour les pauvres.

— C’est ce que j’entends. Un conte qui inspire aux riches de la pitié pour les pauvres.

— C’est que précisément je n’aime pas que les riches aient pitié des pauvres.

— Bizarre !

— Non pas bizarre, mais scientifique. Je tiens la pitié du riche envers le pauvre pour injurieuse et contraire à la fraternité humaine. Si vous voulez que je parle aux riches, je leur dirai : « Épargnez aux pauvres votre pitié : ils n’en ont que faire. Pourquoi la pitié, et non pas la justice ? Vous êtes en compte avec eux. Réglez le compte. Ce n’est pas une affaire de sentiment. C’est une affaire économique. Si ce que vous leur donnez gra-