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JEAN MARTEAU

je ne pouvais en approcher. Tandis que je me laissais glisser sur une pierre moussue, mon bras gauche se détacha de mon épaule sans blessure ni douleur. Je le pris dans ma main droite. Il était insensible et froid ; son contact me fut désagréable. Je fis cette réflexion que maintenant j’étais exposé à le perdre et que c’était pour le reste de ma vie un pénible assujettissement que de veiller sans cesse à sa conservation. Je me promis de faire faire une boîte en ébène pour le renfermer quand je ne m’en servirais pas. Comme j’avais très froid dans ce creux humide, j’en sortis par un sentier rustique qui me mena sur un plateau battu des vents, où tous les arbres étaient douloureusement courbés. Là, par un chemin jaune, passait une procession. Elle était rustique, humble, toute semblable à la procession des Rogations dans le village de Brécé, que notre maître, M. Bergeret, connaît bien. Le clergé, les confréries, les fidèles n’offraient rien de singulier,