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JEAN MARTEAU

« Je ne m’arrêtai qu’en m’apercevant que Vernaux avait disparu. Je le retrouvai bientôt dans un pli de terrain. Il était à la broche, sur un feu de broussailles. Des Indiens, les cheveux noués au sommet de la tête, l’arrosaient avec une longue cuiller et tournaient la broche. Vernaux me dit d’une voix claire : “Mélanie est venue.”

« Je m’aperçus seulement alors qu’il avait une tête et un cou de poulet. Mais je ne pensais plus qu’à trouver Mélanie que, par illumination soudaine, je savais être la plus belle des femmes. Je courus, et ayant atteint l’orée d’un bois, je vis, à la clarté de la lune, une forme blanche qui fuyait. Des cheveux d’un roux magnifique coulaient sur sa nuque. Une lueur argentée caressait ses épaules, une ombre bleue emplissait le creux qui partageait son dos étincelant ; et les fossettes de ses reins, qui s’élevaient et s’abaissaient à chacun de ses pas souriaient d’un divin sourire. Je voyais distinctement l’ombre