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LE CHRIST DE L’OCÉAN

la voûte où ils avaient suspendu naguère, en offrande à Notre-Dame, un navire avec tous ses agrès. C’étaient des hommes justes et qui craignaient Dieu. Et M. Guillaume Truphème, curé de Saint-Valéry, ayant donné l’absoute, dit d’une voix mouillée de larmes :

— Jamais ne furent portés en terre sainte, pour y attendre le jugement de Dieu, plus braves gens et meilleurs chrétiens que Jean Lenoël et son fils Désiré.

Et tandis que les barques avec leurs patrons périssaient sur la côte, de grands navires sombraient au large, et il n’y avait de jour où l’Océan n’apportât quelque épave. Or, un matin, des enfants qui conduisaient une barque virent une figure couchée sur la mer. C’était celle de Jésus-Christ, en grandeur d’homme, sculptée dans du bois dur et peinte au naturel et qui semblait un ouvrage ancien. Le Bon Dieu flottait sur l’eau, les bras étendus. Les enfants le tirèrent à bord et le rapportèrent à Saint-Valéry.