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de ne pas manquer le premier acte. » La bonne servit. Adrienne semblait soucieuse et l’on voyait que le cœur lui levait à chaque cuillerée de potage. Buquet avalait à grand bruit le vermicelle dont il rattrapait avec sa langue les fils pendus à sa moustache. « Les femmes sont extraordinaires, s’écria-t-il. Figure-toi, Laboullée, qu’Adrienne est inquiète de ce que Géraud n’est pas venu dîner ce soir. Elle se fait des idées. Dis-lui donc que c’est absurde. Géraud peut avoir eu des empêchements. Il a ses affaires. Il est garçon ; il n’a à rendre compte de son temps à personne. Ce qui m’étonne c’est, au contraire, qu’il nous consacre presque toutes ses soirées. C’est gentil à lui. Il n’est que juste de lui laisser un peu de liberté. Moi, j’ai un principe, c’est de ne pas m’inquiéter de ce que font mes amis. Mais les femmes ne sont pas de même. » Mme Buquet répondit d’une voix altérée : « Je ne suis pas tranquille,