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des ouvriers de sa fabrique devant les statues de Vercingétorix, de Jeanne d’Arc et des soldats de la Loire, à mesure qu’elles sortaient du sol français. Il faisait des discours patriotiques. Et nous touchons ici, Zoé, à une scène de comédie humaine dont on goûtera peut-être un jour la bouffonnerie lugubre. Émile Vincent s’avisa de dire, au cours de l’Affaire, qu’Esterhazy était un escroc et un traître. Il le disait parce qu’il le savait et qu’il était bien trop candide pour jamais cacher la vérité. À compter de ce jour il passa pour un ennemi de la patrie et de l’armée. Il fut traité de traître et d’étranger. Le chagrin qu’il en eut hâta les progrès de la maladie de cœur dont il était atteint. Il mourut triste et surpris. La dernière fois que je le vis, il me parla de tactique et de stratégie. C’était le sujet préféré de ses conversations. Bien qu’il eût fait campagne, en 70, dans un grand désordre et une excessive confusion, il était persuadé