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l’on n’entendrait plus jamais la grosse fille chanter : Je cass’des noisett’s en m’asseyant d’ssus, j’exprimai au-dedans de moi toute la mélancolie contenue dans une telle idée, je l’égouttai dans mon âme et je gardai le silence. Le secrétaire général, M. Lacarelle, s’écria de sa voix profonde, dans ses moustaches nationales : « Demay est morte ! Quelle perte pour la gaieté française ! – C’était ce soir dans le journal, dit le juge Pilloux. – Effectivement, ajouta le général Cartier de Chalmot avec douceur, et l’on assure que cette personne est morte munie des sacrements de l’Église. »

» À ce simple propos du général, une imagination soudaine, bizarre, incongrue me vint à l’esprit. Je me représentai la fin du monde telle qu’elle est décrite dans le Dies iræ, au témoignage de David et de la Sibylle. Je vis le siècle réduit en cendres, je me figurai les morts sortant de leurs tombeaux et se pressant en foule devant le trône