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CRAINQUEBILLE

n’avait jamais entendu parler des sacrées Décrétales.

Alors il était loisible à Crainquebille de répondre :

— Le Christ de l’Évangile était un bousingot. De plus, il subit une condamnation que, depuis dix-neuf cents ans, tous les peuples chrétiens considèrent comme une grave erreur judiciaire. Je vous défie bien, monsieur le président, de me condamner, en son nom, seulement à quarante-huit heures de prison.

Mais Crainquebille ne se livrait à aucune considération historique, politique ou sociale. Il demeurait dans l’étonnement. L’appareil dont il était environné lui faisait concevoir une haute idée de la justice. Pénétré de respect, submergé d’épouvante, il était prêt à s’en rapporter aux juges sur sa propre culpabilité. Dans sa conscience, il ne se croyait pas criminel ; mais il sentait combien c’est peu que la conscience d’un