Page:Anatole France - Balthasar.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bagatelles, car je reste tout à fait indifférent à ce qu’on dit de moi dans la presse.

Or, j’étais renfermé dans mon cabinet depuis trois jours quand un coup de sonnette me fit tressaillir. La secousse imprimée au cordon avait quelque chose d’impérieux, de fantasque et d’inconnu, qui me troubla, et c’est avec une véritable anxiété que j’allai moi-même ouvrir la porte. Qui trouvai-je sur le palier ? La jeune Américaine naguère si attentive à la lecture de mon mémoire, miss Morgan en personne.

— Monsieur Pigeonneau !

— C’est moi-même.

— Je vous reconnais bien, quoique vous n’ayez plus votre bel habit à palmes vertes. Mais, de grâce, n’allez pas le mettre pour moi. Je vous aime beaucoup mieux avec votre robe de chambre.

Je la fis entrer dans mon cabinet. Elle jeta un regard curieux sur les papyrus, les estampages et les figurations de toute sorte qui le tapissent jusqu’au plafond, puis elle considéra quelque temps en silence la déesse Pacht, qui était sur ma table. Enfin :

— Elle est charmante, me dit-elle.

— Vous voulez parler, mademoiselle, de ce