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délicieux des Ondines, il sentait peu à peu sa volonté se rompre, et toute son âme se détendre.

Il n’était plus que mollesse et qu’indifférence, quand il trouva par hasard dans une galerie du palais un vieux livre tout usé dans sa reliure de peau de truie, à grands clous de cuivre. Ce livre, recueilli d’un naufrage au milieu des mers, traitait de la chevalerie et des dames et on y trouvait contées tout au long les aventures des héros qui allèrent par le monde combattant les géants, redressant les torts, protégeant les veuves et recueillant les orphelins pour l’amour de la justice et l’honneur de la beauté. Georges rougissait et pâlissait tour à tour d’admiration, de honte et de colère, au récit de ces belles aventures. Il n’y put tenir :

— Moi aussi, s’écria-t-il, je serai un bon chevalier ; moi aussi j’irai par le monde punissant les méchants et secourant les malheureux pour le bien des hommes et au nom de ma dame Abeille.

Alors, le cœur gonflé d’audace, il s’élança, l’épée nue, à travers les demeures de cristal. Les femmes blanches fuyaient et s’évanouissaient devant lui comme les lames argentées