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j’éprouve aujourd’hui. La tendresse ou la pitié qui les causaient y mêlaient quelque chose de leur céleste douceur. Au contraire, je sens qu’à cette heure mon chagrin a la noirceur et l’âcreté d’un mauvais désir. Mon âme est aride, et mes yeux nagent dans leurs pleurs comme dans un acide qui les brûle. »

Ainsi songeait le roi Loc. Et, craignant que la jalousie le rendît injuste et méchant, il évitait de rencontrer la jeune fille, de peur de lui tenir, sans le vouloir, le langage d’un homme faible ou violent.

Un jour qu’il était plus tourmenté qu’à l’ordinaire par la pensée qu’Abeille aimait Georges, il prit la résolution de consulter Nur, qui était le plus savant des Nains et habitait au fond d’un puits creusé dans les entrailles de la terre.

Ce puits avait l’avantage d’une température égale et douce. Il n’était point obscur, car deux petits astres, un soleil pâle et une lune rouge, en éclairaient alternativement toutes les parties. Le roi Loc descendit dans ce puits et trouva Nur dans son laboratoire. Nur avait le visage d’un bon vieux petit homme et portait un brin de serpolet sur son capuchon. Malgré