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La soirée était d’une infinie douceur. En passant le long de la Seine, Fanny et Germain furent saisis de la beauté du ciel et de l’eau et de la grâce des arbres qui frissonnaient dans l’air.

— Je ne croyais pas, dit Fanny, que la terre fût si belle !

Et, songeant à son fils, elle pleura.

Et une de ces chastes larmes coula sur les mains liées de Marcel.

Sur le Pont-Neuf, une femme du peuple qui tenait son petit enfant dans ses bras regarda avec tristesse la charrette funèbre. En y voyant une femme jeune comme elle et dont le regard était doux, elle prit la petite main de son enfant qui ne parlait pas encore, la lui mit sur les lèvres et dit :

— Bébé, envoie un baiser à la jolie dame.

— Vous l’avez vue, dit Fanny à Marcel ; ce qu’elle a fait m’a rendue bien heureuse.

Cependant Marcel goûtait des siècles de délices à contempler le visage de Fanny.

Elle retrouvait peu à peu le calme dans lequel elle avait vécu.

— Marcel, dit-elle, nous voilà bien bons amis. Je ne sais ce qu’il adviendra de nous dans le monde où nous allons ; comptons, pour nous y revoir, sur Dieu qui nous a montrés l’un à l’autre en cette terre. Vous serez ma dernière pensée, Marcel ; vous, et aussi l’enfant dont je ne prononce pas le nom, de peur de pleurer encore et dont cette femme m’a montré tout à l’heure l’image dans ses bras. Il y a six ans, quand je vous vis pour la première fois, Marcel, il marchait à peine et