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de son écharpe, et suivi d’une douzaine de piques. Il regarda tour à tour la belle aristocrate au lit et le jeune homme en veste, sa cravate défaite.

— Peste ! dit-il, nous dénichons des amoureux. Excusez-nous, la belle.

Puis, se tournant vers les gardes :

— Voilà le libertinage des cours ! Seuls les sans-culottes ont des mœurs.

Pourtant cette rencontre l’avait mis en gaieté.

— Citoyens, lui dit Fanny, accoudée à son oreiller, faites-vous donc un crime à une patriote de céder à la nature ?

Cette réplique lui parut sans doute joliment tournée. Il s’approcha du lit, s’assit dessus et, prenant le menton de la jeune femme :

— Il est vrai, dit-il, que cette bouche-là n’est pas faite pour marmotter toute la nuit des Pater et des Ave. Mais nous ne sommes pas venus pour te dire des douceurs, citoyenne. Nous cherchons le traître Franchot, un des assassins du 10 août. Des patriotes l’ont surpris dans la ruelle qui longe ton jardin. J’ai fait cerner le quartier. Nous avons fouillé toutes les maisons moins la tienne, sans rien trouver. Il est certain qu’il est ici. Il me le faut. Je le ferai guillotiner. Ce sera ma fortune.

— Cherchez-le donc ! dit Fanny.

Ils regardèrent sous les meubles, dans les armoires, passèrent des piques sous le lit et sondèrent les matelas avec des baïonnettes.

Colin se grattait l’oreille et regardait Marcel du coin de l’œil.

Fanny craignant pour le proscrit un