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tude. Les hommes de la section, qui étaient tous ses voisins, devaient avoir vu souvent, bien tard, de la lumière aux fenêtres de sa chambre et entendu les notes de son clavecin, dans les nuits d’été. Quant à se dire malade, il n’y fallait pas songer ; la cuisinière jacobine découvrirait la ruse. Elle réfléchit quelques secondes, puis, tranquillement, simplement, avec une auguste candeur, elle se déshabilla devant le jeune homme, se mit au lit et lui ordonna de donner lui-même l’apparence du désordre à ses vêtemens.

— Il faut qu’ils vous prennent pour mon amant, lui dit-elle.

Toutes leurs dispositions étaient prises quand la troupe descendit du grenier en sacrant et en pestant. Le Malheureux Franchot, qui, à ce moment, reprit toute sa connaissance, fut saisi d’un tel tremblement qu’il secouait tout le lit. De plus, sa respiration était si forte qu’on en devait entendre le sifflement jusque dans le corridor.

— C’est dommage, dit Fanny, j’étais si contente de mon petit artifice ! Enfin ! ne désespérons point et que Dieu nous aide !

Une main rude secoua la porte.

— Qui va là ? demanda Fanny.

— Les représentans de la Nation.

— Ne pouvez-vous attendre un moment ?

— Ouvre ou nous brisons la porte.

— Marcel, mon ami, va ouvrir.

À ce moment la peur fit une espèce de miracle. Franchot cessa de trembler et de râler.

C’est Colin qui entra le premier, ceint