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qui frissonnait au vent de la nuit. Il revint avec un petit livre à tranches dorées.

Les Idylles de Gesner ; c’est bien cela, dit Fanny ; ouvrez le livre à l’endroit qui est marqué, et, si vos yeux sont assez bons pour lire au clair de lune, lisez.

Il lut ces mots :

« Ah ! souvent mon âme viendra planer autour de toi ; souvent, lorsque, rempli d’un sentiment noble et sublime, tu méditeras dans la solitude, un souffle léger effleurera tes joues : qu’un doux frémissement pénètre alors ton âme. »

Elle l’arrêta :

— Comprenez vous maintenant, Marcel, que nous ne sommes jamais seuls, et qu’il est des mots que je ne pourrai pas entendre tant qu’un souffle venu de l’Océan passera dans les feuilles des chênes ?

Les voix des deux vieillards se rapprochaient.

— Dieu, c’est le bien, disait Duvernay.

— Dieu, c’est le mal, disait Franchot, et nous le supprimerons.

Tous deux et Marcel prirent congé de Fanny.

— Adieu, Messieurs, leur dit-elle. Crions : « Vive la liberté et vive le roi ! » Et vous, mon voisin, ne nous empêchez pas de mourir quand nous en aurons besoin.

Anatole France.


J’aurais voulu m’épargner la faute de piquer une note critique à un petit conte qui ne veut que distraire et toucher. Mais il fallait bien dire que je n’ai rien inventé dans tout ce récit. Les épisodes en son pris à des écrits de l’époque, et j’ai même introduit dans mon texte des propos qui ont été tenus réellement.

A. F.