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LES ENFANTS ILLÉGITIMES


dans les anciens registres paroissiaux


par Louis LE GUENNEC


Des personnes peu familiarisées avec les anciennes formules éprouvent quelque surprise, quand il leur advient de lire un acte de baptême antérieur à l’époque de la Révolution, d’y trouver que l’enfant est dit « fils (ou fille) naturel (ou naturelle) et légitime » de ses père et mère. Ces deux qualificatifs leur semblent contradictoires. Elles le sont devenus en effet aujourd’hui, étant donné le sens qu’a pris le terme « d’enfant naturel » et qu’a consacré une célèbre pièce d’Alexandre Dumas fils. Mais autrefois, cette formule était appliquée aux enfants légitimement nés de loyal mariage. Naturel voulait simplement dire : enfant né de ses parents par la nature, et s’employait par opposition au mot : adoptif.

Il existait d’autres formules très précises, très claires pour désigner les bâtards. Les actes de naissance qui concernent ces derniers sont toujours facilement reconnaissables dans les vieux registres paroissiaux de Bretagne. Souvent, ils sont signalés en marge par le terme latin spurius ou spuria. Souvent aussi, ils sont inscrits à rebours des autres, c’est-à-dire que le scribe a renversé le cahier et que les actes se présentent « la tête en bas » par rapport à ceux qui les précèdent ou les suivent. Très fréquemment encore, ils sont relégués, renversés toujours, à la fin du cahier annuel.

Enfin les termes de leur rédaction ne prêtent à aucune équivoque : « Illégitimas ou illégitima », « bastard et illégitime », « patre ignoto », etc. Dans les registres du midi de la France, on trouve parfois : enfant innaturel, enfant d’iniquité… Ceux que j’ai pu consulter aux environs de Morlaix, à Morlaix même ou à Quimper, m’ont fourni sur ce sujet délicat un certain nombre de notes d’où se peuvent déduire d’assez curieuses constatations.

Beaucoup de ces pauvres petits bâtards naissaient de relations passagères entre des gentilshommes et de jeunes paysannes séduites ou ravies. On sait que le XVIe siècle ne brilla pas précisément par la sévérité des mœurs, et que les guerres de la Ligue amenèrent en Basse-Bretagne des nuées de soudards effrénés et brutaux. Les Espagnols étaient redoutés surtout pour les conséquences de leur galanterie agressive. Dans la région de Châteaulin, l’usage demeura longtemps, pour indiquer qu’un jeune homme avait mis à mal une fillette, de dire qu’il lui avait donné « un baiser d’Espagne ».

Jusqu’aux prédications du P. Le Nobletz et du P. Maunoir, qui relevèrent de si admirable façon, au XVIIe siècle, le niveau moral du pays, l’étiage de ce niveau était lamentablement bas Des hobereaux corrompus se rencontraient qui, pour satisfaire un caprice ne reculaient pas devant le rapt, le déshonneur et même la mort de leurs victimes. Les Guerziou Breiz-Izel de Luzel sont pleines de