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j’ai pu le compléter en quelques points d’après elle, ce récit est si vraisemblable, que je le crois vrai. Cependant Mastarna était plus sûr du sénat que de l’ordre des patriciens, où les grandes familles de l’aristocratie sabine devaient former encore le parti dominant, et c’est ce qui explique une phrase de Tite Live que l’on n’a pas toujours comprise, même dans l’antiquité. La royauté ne fut point conférée à Servius Tullius par les patriciens, mais par le sénat[1].

  1. La phrase très-remarquable de Tite Live (I, 41) est Primus injussu populi, voluntate patrum regnavit. Si l’on traduisait populus par le peuple, et surtout par les plébéiens, et patrès par les patriciens, il s’ensuivrait que le roi le plus populaire de Rome aurait été le premier nomme par l’aristocratie, sans consulter le vœu populaire. Mais depuis Niebuhr, et c’est là un des plus grands services qu’il ait rendus à l’histoire de la constitution romaine, on sait que populus, dans son sens primitif et vrai, est l’opposé de plebs (Hist. Rom., II, p. 163. trad. franc.), quoiqu’on les ait traduits indifféremment par le même mot peuple. Les écrivains de l’empire ou de la fin de la république n’ont pas eux-mêmes toujours assez nettement fait une distinction fondée sur un état de choses ancien et dont on était bien éloigné. Mais il est certain que, dans l’origine, plebs voulait dire les plébéiens, et populus les patriciens. Le peuple romain, c’étaient les citoyens jouissant de tous les droits politiques. On conçoit que, quand les plébéiens se furent peu à peu mis en possession de ces droits qui leur avaient été d’abord refusés, la distinction entre les mots plebs et populus ne fut plus aussi précise, parce qu’elle n’était plus nécessaire. Mais cette formule populo plebique, qui oppose populus à plebs, et, par conséquent, les distingue, se rencontre fréquemment. Quant au mot patres, je crois que c’était originairement le nom des sénateurs. Il fut attribué, par une extension dont il est aisé de se rendre compte, à tout le patriciat. Ainsi, en Angleterre, les lords seuls forment une aristocratie légale, car seuls ils ont des privilèges garantis par la loi.