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Denys d’Halicarnasse, en rhéteur qu’il est, met dans la bouche d’Ancus une espèce d’homélie que ne désavouerait pas un chef de la ligue anglaise pour la paix. Le roi sabin déplore les suites funestes de la guerre et célèbre les avantages de la vie agricole. Cependant celui auquel on prête cette déclaration pacifique fut encore plus belliqueux que son prédécesseur. Il est vrai qu’à en croire Denys d’Halicarnasse et Tite Live Ancus ne prit les armes qu’à regret, réduit à cette extrémité par les incursions des Latins ; mais cette prétendue nécessité des conquêtes est une invention des siècles plus avancés et qui même alors ne trompe que ceux qui veulent bien être trompés. C’est trop de la transporter aux âges primitifs. Denys d’Halicarnasse avait devant les yeux un modèle achevé d’hypocrisie dans Auguste, qui lui aussi savait se faire contraindre à accepter ce qu’il désirait ; mais rien ne prouve qu’Ancus ait mérité de lui être comparé à cet égard.

Le surnom d’Ancus, le Martial[1], est un premier démenti donné par la tradition à cet idéal de roi paisible et débonnaire dont on s’avisa depuis ; de plus, fidèle au génie de sa race, ce roi, ami de la paix, fit constamment la guerre.

Pourquoi a-t-on présenté Ancus sous cet aspect ? Outre le besoin littéraire du contraste, c’est parce

  1. Ce surnom Martius s’écrivait aussi Marcius, c’était une variante de la désinence des noms sabins en tius : Mucius pour Mutius ; Accius, pour Altius ou Actius.