Page:Ampère - L’histoire romaine à Rome, tome 2.djvu/495

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

opposé dans le sénat à la proposition qui y fut faite de tuer les tribuns[1], mais en se voyant chargé par la cavalerie d’Ahala, Mælius prit peur et se réfugia dans un groupe de plébéiens. Sans doute il voulait avec eux gagner l’entrée du Forum, qui conduisait dans le quartier populaire de la Subura, où il n’aurait pas manqué de secours parmi les pauvres gens qu’il avait nourris ; car on dit qu’il s’arma d’un couteau de boucher pour se défendre des cavaliers qui se ruaient sur lui à travers la foule, et nous savons par l’histoire de Virginie que les boutiques de boucher étaient de ce côté. Renversé aux pieds des chevaux, Servilius le frappa d’un poignard qu’il avait caché. C’est la première fois que paraît dans le Forum romain cette arme qui devait y jouer un si grand rôle dans les dernières convulsions de la république, et c’est un patricien qui l’y a apportée.

Disons-le à l’honneur de Cincinnatus, rien ne prouve qu’il eût donné l’ordre d’assassiner Mælius, mais il eut le tort d’approuver l’assassinat. « Bien, dit-il à Servilius, la république est sauvée. » Il était très-vieux et l’on avait pu faire croire au dictateur octogénaire ce qu’on avait voulu.

Spurius Mælius tomba donc à peu prés au même endroit que Virginie. Là où le centurion plébéien pour sauver l’honneur de sa fille lui avait percé le cœur, un général patricien poignarda un citoyen sans défense. Il

  1. Tit. Liv., IV, 6.