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tenant à une autre race. Ils ne se souvenaient peut-être plus qu’ils avaient été Sabins ; ils voulaient être Romains, puisque c’était le nom qui avait prévalu et qui alors était prononcé avec orgueil ; mais au fond ils regardaient les plébéiens comme un autre peuple, comme des intrus dans la cité, avec lesquels on ne pouvait, sans déshonneur, mêler son sang. C’était toujours le même dédain qui avait fait jadis refuser aux Sabins de donner leurs filles aux Latins de Romulus.

Cependant l’autre loi leur déplaisait plus encore ; un plébéien consul était à leurs yeux un monstrueux désordre. Pour éviter un tel malheur, ils cédèrent, bien qu’il leur en coûtât beaucoup, sur la question du mariage. Ils consentirent à remplacer les consuls par des tribuns militaires investis de la puissance consulaire et qui pouvaient être nommés dans les deux ordres, et qu’on appela aussi tribuns consulaires. Mais sur la question du consulat, ils devaient aussi céder.

Ces concessions ne furent point faites sans de grands débats. Dans la curie, les patriciens exprimaient leur indignation avec une hauteur insensée. Ils comparaient le mariage entre les deux ordres à l’union des animaux. « Eh quoi ! disaient-ils dédaigneusement, des Icilius et des Canuleius seraient consuls[1] ? La tribune répondait à la curie, et Canuleius déclarait que les plé-

  1. Tit. Liv., IV, 2.