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travers la foule et met la main sur la jeune fille, déclare que, née d’une de ses esclaves, elle est aussi son esclave. Virginie épouvantée se tait ; sa nourrice implore à grands cris la foi publique.

Appius était assis sur son tribunal, près de l’autel de Vulcain, pour donner l’autorité de la justice à ce rapt déguisé dont il était le véritable auteur. Car, en voyant passer chaque jour au pied de son tribunal la jeune fille se rendant à l’école, il avait conçu pour elle une passion brutale, telle que devait être celle de ces hommes violents, telle qu’avait été celle de Sextus pour Lucrèce. Il convoitait la vierge qui était presque une enfant. Pendant qu’il machinait cette infamie, le père de Virginie, centurion plébéien [1], était sur l’Algide à combattre les Æques.

Virginius avait des amis : ceux qui étaient présents s’avancent comme Claudius vers le tribunal du décemvir et attestent la fausseté de son allégation. Claudius, avec l’impudence des Mezzani, ses pareils, dont la race n’est pas perdue à Rome, persiste à soutenir que Virginie est son esclave. Les défenseurs de la jeune fille demandent qu’on attende, pour prononcer sur sa condition, l’arrivée de Virginius, qui n’est pas loin et peut venir en quelques heures.

  1. Il y avait des Virginius patriciens et des Virginius piébéiens : le père de Virginie était plébéien. À cette époque, un patricien n’eût pas donné sa fille à Icilius, tribun, et, par conséquent, plébéien ; le mariage n’existait pas encore entre les deux ordres.