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bien habile, sa nature même le protège ; pour se perdre, il faut qu’il commette ou de grandes fautes ou d’odieux crimes ; heureusement il en commet presque toujours.

Les décemvirs tombèrent par deux crimes, le meurtre de Dentatus et le lâche complot contre Virginie.

Dentatus, soldat aussi hardi dans le Forum que sur le champ de bataille, passa pour avoir été assassiné traîtreusement aux avant-postes par ordre des décemvirs. Comme ils ne permirent pas qu’on apportât son corps à Rome, ayant peur de ses funérailles, je n’ai point à m’appesantir sur les détails douteux de sa mort[1]. Mais l’histoire de Virginie n’est pas douteuse pour moi, elle se passe tout entière à Rome, et en grande partie dans le Forum. Nous savons exactement dans quel endroit du Forum son père la frappa pour la sauver. Le titre de mon livre me donne donc le droit de raconter dans toutes ses circonstances ce mémorable événement.

Le récit de la mort de Virginie forme un drame pathétique, dont le théâtre n’a jamais su reproduire le caractère et qui a été sévèrement soumis par l’histoire, ce grand poëte tragique, à l’unité de lieu. Il

  1. Selon Denys d’Halicamasse, le même guet-apens eût été tenté deux fois contre Dentatus, d’abord par les patriciens, puis par les décemvirs, et à la seconde il aurait succombé. C’est peut-être une de ces redites où se plaît la tradition ; peut-être aussi ce crime fut-il une conception de l’aristocratie et un plagiat des décemvirs.