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regrettaient beaucoup plus vivement cette puissance que celle des consuls, aimaient presque mieux voir les décemvirs quitter leur charge que de voir la plebs se relever de nouveau, par sa haine pour ceux-ci. Ils se flattaient qu’en laissant l’agitation populaire rétablir tout doucement l’influence des consuls, au moyen de quelques guerres ou de circonstances qui leur permettraient de montrer de la modération, on pourrait amener les plébéiens à oublier les tribuns ; éternel aveuglement des haines personnelles dont profita toujours la tyrannie.

Les plébéiens avaient eu raison, et c’est à ses défaites que Rome allait devoir l’espérance de sa liberté. Triste extrémité à laquelle il ne faudrait jamais être réduit. Les décemvirs se firent battre par les Sabins près d’Eretum et sur l’Algide par les Æques. Un pouvoir sans droit ne doit jamais être battu.

Comme je l’ai remarqué à propos de Lucrèce, les gouvernements détestés ne tombent guère qu’à l’occasion d’un événement qui frappe les imaginations et qui émeut les coeurs. Cela est vrai surtout des gouvernements absolus. Un des inconvénients du gouvernement absolu, c’est sa force, qui rend difficile sa chute. En étouffant tout exercice de la liberté, il oppose un obstacle pour ainsi dire invincible au retour de la liberté ; comme une croyance qui ne permet pas les discussions est bien sûre de n’être pas réfutée. Le gouvernement absolu n’a pas besoin pour durer d’être