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romaine ; il épargna les patriciens, les plébéiens furent soumis à une oppression capricieuse et cruelle.

Les plébéiens alors commencèrent à regarder du côté de leurs anciens ennemis. Mais les chefs de l’aristocratie, s’ils détestaient Appius, détestaient aussi ses victimes. Sans approuver ce qui se faisait, ils étaient bien aises de voir les plébéiens punis et trouvaient que leur châtiment était mérité, odieux sentiment des partis qui survit parfois à une commune oppression et divise ceux qu’elle devrait unir.

Le masque était jeté, les tribuns dont Appius s’était servi furent mis de côté. Ces jeunes patriciens qui maltraitaient si fièrement les tribuns dans le Forum y parurent comme les satellites du tyran. Appius achetait cette noble jeunesse en lui livrant les biens des condamnés.

Il était clair que les décemvirs avaient résolu de garder le pouvoir et voulaient faire une institution de ce qu’on avait accepté comme un expédient. On déplorait la perte irréparable de la liberté. On ne voyait, on n’espérait aucun libérateur. Dans ce découragement universel, les ennemis du peuple romain levèrent la tête, s’indignant, dit Tite-Live[1], que ceux qui n’étaient plus libres aspirassent à commander. Les Sabins envahirent le territoire romain, les Æques parurent sur l’Algide. La peur saisit les décemvirs et ils voulurent se faire un appui du sénat, qu’ils avaient méprisé.

  1. Tit. Liv., III, 37.