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On peut donc en toute sécurité de conscience se dire : c’est ici que Cincinnatus fut surpris au milieu de ses occupations champêtres par les envoyés du sénat, qui venaient lui offrir les insignes presque royales de la dictature, et se fit apporter sa toge par sa femme Racilia.

Ce que Perse[1] a résume dans ce vers énergique :

Quum trepida ante boves dictaturam induit uxor.

Quelle admirable simplicité dans cette scène ! Quelle grandeur ! Ce bonhomme qui bèche son champ et ne sait pas un mot de ce qui se passe de l’autre côté du Tibre, ce père privé de son fils et vivant misérablement après qu’on l’a dépouillé de tous ses biens, c’est un grand citoyen, un grand patricien. On le prend béchant ses quatre arpents. On le fait dictateur dans un moment difficile. Il ne s’étonne point, il ne fait aucune réflexion, il essuie la sueur de son front, secoue la poussière de son habit et va tranquillement sauver son pays.

Toute sa conduite est pleine d’énergie. Arrivé dans le Forum avant le jour, il nomme son maître de cavalerie, siége sur la tribune avec lui, fait fermer toutes les boutiques et interdit toute activité dans la ville. C’était ce qu’on appelait proclamer le Justitium, la suspension du droit[2], ce qui n’avait lieu que dans

  1. Sat. I
  2. Gell., Noct att., XX, 1.