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Ce renseignement achève de déterminer le lieu de la scène si bien racontée par Tite Live, si puissamment évoquée par Shakspeare. Shakspeare, qui n’était pas venu à Rome, qui ne savait pas le latin, aidé seulement de son génie et d’une traduction de Plutarque, guidé peut-être par le sentiment d’une certaine affinité entre les instincts politiques de Rome et ceux de l’Angleterre, a peint merveilleusement la hauteur patricienne de Coriolan, sa dureté inflexible, ses altiers dédains.

Cette tragédie, écrite à Londres, pourra éternellement se relire à Rome. Pour que les Romains de Shakspeare soient tout à fait ceux de l’histoire, il suffit d’effacer quelques grossièretés et ça et là quelques traces de bel esprit, double empreinte d’un siècle où les mœurs manquaient de délicatesse et péchaient par le raffinement ; mais dans ce qu’elles ont d’essentiel, les peintures du caractère romain sont d’une profonde vérité.

On pense ici naturellement à Shakspeare, comme on pense à Corneille sur le terrain du combat des Horaces ; mais l’on ne saurait retrouver chez les princes romains les sentiments des patriciens de Rome au troisième siècle, comme nous avons trouvé les sentiments d’Horace et de sa sœur chez l’homme des Monti et la Transteverine de nos jours ; car à Rome l’homme du peuple seul a gardé quelque chose de l’ancien caractère national, au moins la férocité.