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deuil[1] ; mais son orgueil l’en empêcha ; il ne voulait pas voir les tribuns triomphants.

Le sénat décréta que les femmes romaines choisiraient leur récompense ; la seule qu’elles demandèrent fut d’élever à leurs frais un temple à la Fortune des femmes, la Fortune Mulièbre, et que le culte y fût célébré au nom de l’État[2], afin que, s’y rassemblant chaque année le jour où elles avaient obtenu le départ de Coriolan, elles pussent y offrir des sacrifices et prier seules pour le salut de la république. Valeria[3] et la mère de Coriolan se chargèrent des frais.

Un temple fondé par des femmes, un culte confié non à un corps de prêtresses, comme les Vestales, mais à des matrones romaines, étaient quelque chose de très-nouveau.

Une telle innovation montre jusqu’où allait pour elles le respect des Romains, et ce qu’était à Rome, malgré l’infériorité de leur condition légale, la considération morale dont elles étaient entourées[4].

  1. Den. d’Hal., VIII, 62 ; Plut., Cor., 39.
  2. Plut., Cor., 57.
  3. Den. d’Hal., VIII, 55. Si la statue équestre de femme qu’on disait aussi représenter Clélie était réellement celle de Valeria, c’est à cette occasion qu’elle lui aura été érigée.
  4. Valère Maxime (V, 2, 1 ) prétend que le sénat ordonna aux hommes de céder dans la rue le pas aux femmes, ajouta à leurs parures des ornements nouveaux et leur permit de porter un vêtement de pourpre et des galons d’or. Tout cela est une exagération évidente, mais atteste le sentiment de respect pour les femmes que j’ai signalé.