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pas ou du moins ne parût pas souffrir. À cet égard, nous valons mieux que les Romains.

Peut-être vais-je manquer de respect envers la mémoire de Brutus ; mais dans cette affectation d’insensibilité, dans l’empressement avec lequel il vient lire les lettres surprises de ses fils et les fait frapper les premiers, je crains, outre les deux sentiments que lui prête Virgile, l’amour de la patrie et l’amour de la gloire[1], d’en surprendre encore un autre, le besoin de donner un gage à la république. Les républiques naissantes sont soupçonneuses. Collatin, parce qu’il s’appelait Tarquin, fut obligé de s’exiler sur l’invitation de son beau-père et de Brutus lui-même. Brutus aussi tenait aux Tarquins par sa mère et par sa femme, nièce de Collatin. Ne voulut-il point rassurer les défiances auxquelles Collatin fut sacrifié, et aller au-devant de ces défiances qui auraient pu l’atteindre ? Je ne compare point un supplice juste à la mort de Louis XVI et Brutus au duc d’Orléans ; mais la situation était la même. Elle ne fit point commettre à Brutus un crime, mais peut-être lui fit-elle déployer un plus grand appareil de sévérité.

Si je voulais amuser par un contraste entre la réalité antique et l’art moderne, analogue à celui dont j’ai parlé, à propos du tête-a-tête de Lucrèce et de Sextus, tel que l’a représenté le peintre Cagnacci, je

  1. Vincit amor patriæ laudumque immensa cupido.